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QUELQUES ECHOS

de notre Café-Péda du 12/10/2017

« Les pédagogies actives pour l’enfant d’aujourd’hui »

Claude Piétrons – Christian Van Hende – fMV – octobre 2017, revu par Monique Verrept

Animatrice : Françoise Guillaume

Directrice honoraire de l’école secondaire de Decroly ;

a travaillé à Decroly durant 38 ans ;
a été impliquée dans la création de l’Ecole Active de 2009 à 2014 ;
a écrit « Petit homme ou petit d’homme« , L’Harmattan. 2008 préfacé par Philippe Meirieu.
« Il faut lire cet ouvrage comme  » un roman de formation » » Philippe Meirieu

 

Note historique : Ovide DECROLY (1871-1932)

Decroly a été responsable de l’enseignement spécialisé de la Ville de Bruxelles
Decroly a fait des causeries

Deux fondamentaux pour une pédagogie active

  • La manière d’apprendre de l’élève
  • La personne de l’élève

La manière d’apprendre

  • L’élève est acteur de ses apprentissages, il participe.
  • L’enfant appréhende le monde : à partir du concret, de l’observation du monde environnant, il questionne, il émet des hypothèses, vérifie ses hypothèses, …
  • Cette découverte du monde est individuelle mais aussi en interaction avec le groupe.
  • L’enseignant est le garant de cet apprentissage ; deux classes parallèles ne travaillent pas de manière identique. Il n’y a pas une seule manière de faire, pas un cursus … mais un dispositif, un cadre dans lequel l’enfant se place. L’enfant est « cadré » mais a ses apprentissages propres.
  • Les dispositifs pédagogiques que l’enseignant met en œuvre attestent des intentions poursuivies.
    « Les acquisitions ne se font pas comme l’on croit parfois, par l’étude des règles et des lois, mais par l’expérience. Étudier d’abord ces règles et ces lois, en français, en art, en mathématiques, en sciences, c’est placer la charrue devant les bœufs. »

Célestin Freinet

C’est la démarche inductive qui est privilégiée. (Exemple : la définition apparaîtra à la fin de la séquence avec des mots de l’élève mais ceux-ci doivent être corrects.)

Relation enseignant – enseigné

Le postulat de base est qu’enseignants et élèves sont égaux en valeur. Ce sont leurs rôles qui sont différents.
L’asymétrie entre l’enseignant et les élèves doit être acceptée par les deux parties.
L’adulte exerce un rôle primordial, il est le meneur de classe mais il doit pouvoir s’effacer.
Il doit avoir une attitude contenante, c’est-à-dire, à la fois ferme et souple.

Pédagogies actives et pédagogies transmissives
Cette opposition n’en est pas une. Tout est transmission, c’est la manière qui diffère.

Quelques corollaires

Le rythme
« ….. L’école est pressée. Trop pressée » Célestin Freinet
« Ce qui manque, ce n’est pas le temps, c’est la patience » Marie Montessori

On n’impose pas la bonne réponse, on donne le temps, le savoir s’incorpore progressivement.

 

La place de l’enfant

« C’est l’enfant lui-même qui doit s’éduquer, s’élever avec le concours des adultes. Nous déplaçons l’acte éducatif : le centre de l’école n’est plus le maître mais l’enfant. »

Célestin Freinet

Toute la valeur de l’éducation réside dans le respect de la volonté physique, intellectuelle et morale de l’enfant. Il n’y a de véritable éducation que si on laisse à l’enfant la direction de son propre effort… Le vrai éducateur est celui qui, parfois même contre ses propres idées et volontés, soutient l’enfant et le développement de ses énergies… À l’avenir, l’éducation sera totalement spontanée

Francisco Ferrer

L’enfant doit être au centre de son apprentissage, mais dans un cadre… il ne doit pas devenir « l’enfant-roi » ! Il ne faut pas laisser l’enfant envahir tout le terrain ; l’enseignant doit avoir sa place.

Le réel

La première démarche mise en place par Ovide Decroly est l’observation. L’élève est invité à observer son environnement.

« L’individu entre en contact avec le monde par une activité globale, d’abord confuse, puis progressivement organisée et structurée. »

Ovide Decroly

De même l’adulte observe les élèves pour détecter ce qui les intéresse et baser les apprentissages sur ces intérêts.

« La qualité fondamentale pour le parent ou l’éducateur est de savoir observer.« 

Maria Montessori

Ainsi les manuels scolaires sont incompatibles avec les pédagogies actives ; il en va de même avec même avec le numérique, derrière lequel il y a une pensée structurée.

L’activité

Pas de pédagogie active sans enseignant actif.
Les élèves baignent dans la situation proposée : les enfants sont « dedans ». Il est donc indispensable de revenir sur ce qui a été appris, de construire quelque chose de cohérent, d’accompagner les élèves là où ils sont.
Il est important d’accepter que les pédagogies actives ne se soient pas construites en un jour …elles sont à envisager à long terme !

L’évaluation

L’évaluation est envisagée comme un processus et non comme un résultat : il faut assumer et faire accepter par les parents cette place de l’évaluation.
Les compétences ne sont pas le premier guide de l’apprentissage. Sans les oublier, on ne doit pas mettre la pression sur les apprentissages.


Echanges

Fiona, Marie et Loïc, élèves en première secondaire dans une école à pédagogie active, sont venus nous faire partager leur vécu et leur questionnement.

  • les jeunes profs n’ont pas toujours beaucoup de discipline en classe ;
  • les sanctions prises à l’égard d’un enfant agresseur (exclusion d’une semaine) semblent particulièrement sévères ;
  • les élèves sentent que les professeurs se connaissent et forment une équipe. Ils s’appellent par leur prénom ;
  • les professeurs mangent avec les élèves ;
  • en classe, les enseignants passent plus de temps pour que les élèves comprennent ;
  • il existe plusieurs formes de travail : le travail autonome, les remédiations et l’école des devoirs ;
  • à l’école primaire, ils ne m’ont jamais demandé de faire une recherche ;
  • les élèves accompagnent leurs parents aux réunions de parents.

La position du jeune enseignant en pédagogies actives
Le jeune enseignant doit être soutenu dans ses débuts, d’abord comme « prof. d’ados » et puis comme« prof. en pédagogie active ». Le travail en équipe est l’un de ces soutiens : on peut y parler de ses difficultés.
La fonction de contenance fait sans doute partie des premiers apprentissages du débutant. Françoise Guillaume compare la contenance au filet du trampoline ; on saute, si on dévie, le filet nous ramène sans trop de mal dans une trajectoire plus sécure.

La pédagogie active est une pédagogie « sociale », où existe un espace de parole : cette liberté d’expression (où des limites sont néanmoins nécessaires !) peut également poser problème au jeune enseignant.

La relation avec les parents
L’école doit être très explicite vis-à-vis des parents ; il existe un projet d’établissement : celui-ci pose un cadre précis qui doit être connu et accepté.
Ainsi, les parents doivent être des partenaires et les conflits publics sont à proscrire. L’équipe pédagogique doit oser dire « c’est comme ça ! » et parfois une sanction est nécessaire !
De plus, les parents doivent être impliqués…en tant que parents et non en fonction de leur milieu socio-culturel ! L’école à pédagogie active doit être une « école pour tous » !

Les contacts directs « normaux » se font lors des réunions de parents. (deux fois l’an)

Pédagogies actives et « pédagogies non-actives »


Il apparaît clairement que dans les échanges relatés ci-dessus, il s’agit d’écoles à pédagogies actives.
 Dans des écoles « traditionnelles », certains enseignants peuvent développer dans leur cours, un enseignement du type « pédagogie active »: le résultat peut être optimal mais l’intégration à un ensemble manque, ce qui diminue la pertinence !
Parfois, à partir du travail de quelques enseignants, toute une école peut progressivement passer à une pédagogie active : il n’y a pas de monopole d’un type de pédagogie active !
Ce qui est important, c’est

  • la démarche pour arriver à la connaissance et
  • prendre les élèves comme des êtres humains et pas comme « des machines à emmagasiner des connaissances » !

Enseignant(s) et élèves doivent être des partenaires …et c’est dans ce cadre qu’il faut faire confiance aux enseignants !

Pédagogies actives et approche neuro-cognitive
Comment les pédagogies peuvent-elles intégrer les résultats des recherches faites à partir des neurosciences notamment en matière d’enseignement et plus particulièrement en matière d’apprentissage de cultures et d’apprentissage des disciplines ?
Il s’agirait de repartir des pédagogies actives avec une autre vision, celle de la conception scientifique du cerveau.

Réponse de Françoise Guillaume

  • Il existe toujours une tension irréductible entre l’approche scientifique de l’éducation et l’approche idéologique (du côté de l’idéologie, de la conviction, des objectifs poursuivis). Rappelons que c’est un grand fantasme de Decroly que de mettre sur pied une « Science de l’enfant ». Une fois qu’elle aurait prouvé que « ça marchait », tout le monde devrait s’y conformer.
  • En France le Ministère a manifesté le souhait que tous les enseignants devraient être conscients de ce qu’ils font en termes de neurosciences. Stanislas Dehaene* a riposté de manière adroite que dans ces conditions, il ne souhaitait pas être enrôlé au Ministère de l’Education. Il n’appartient pas au chercheur cognitiviste d’appliquer les sciences cognitives dans les classes.
  • L’intime conviction de Françoise Guillaume est que l’état actuel des neurosciences est important mais pas suffisant pour être pris en compte. On étudie le cerveau de l’enfant mais on a peu d’expérience de ce qui se passe quand l’enfant est en interaction avec les autres élèves dans le groupe-classe.
  • Ainsi, l’apprentissage de la lecture par la méthode globale, si décriée, présente pourtant les quatre piliers d’apprentissage** retenus par Stanislas Dehaene

Bernard Rey estime que les neurosciences et cette recherche du côté du cognitif sont extraordinaires mais pas à appliquer en éducation. L’essentiel est de communiquer avec l’élève d’humain à humain.

Pédagogies actives et Pouvoir organisateur.

En Région bruxelloise, la majorité des écoles à pédagogies actives se retrouvent au sein du PO de la Felsi.
Introduire une école à pédagogie active au sein d’un PO globalement plus classique est-il possible ? Oui, sans doute, dans la mesure où le PO est ouvert et soutient le travail de l’équipe concernée. On peut aussi espérer qu’une première expérience en pédagogies actives fera tache d’huile.

Intervention en guise de conclusion du Professeur Bernard Rey
Outre qu’il bute sur le qualificatif « actif » de la pédagogie, Bernard Rey retient deux points

  • C’est la démarche pour arriver à l’information qui prime sur l’information sur le monde.
  • Les élèves doivent être considérés comme des humains et pas comme des objets à étudier.

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* Stanislas Dehaene est un psychologue cognitiviste et neuroscientifique français.
** Les quatre piliers de l’apprentissage sont l’attention, l’engagement actif, le retour d’information et la consolidation.